Un nouvel "éclaircissement" sur le sujet:
In "Les Variantes dans les Armoiries", par M. Bouly de Lesdain, extrait de "L'Annuaire du Conseil Héraldique de France", 1897, pp. 57-60.
« (…) La 2de catégorie de variantes que nous ayons à examiner est celle qui résulte de l'adjonction, à l'intérieur de l'écu, d'ornements accessoires de pure fantaisie.
Le diapré, Damascirung des Allemands, constitue la plus ordinaire de ces ornementations. On entend sous ce nom des arabesques ou des ornements géométriques qui couvrent soit le champ de l'écu, soit la surface des figures héraldiques. Lorsque les armoiries sont gravées ou sculptées, le diapré se fait en relief ; lorsqu'elles sont peintes, il se fait ordinairement soit
en or ou en argent, soit en traits noirs, soit en traits de couleur, ton sur ton.
Il a été fort usité, pendant tout le Moyen-Âge, en Angleterre ainsi qu'en Allemagne ; dans ce dernier pays, sa plus belle époque a été le XVe s, mais l'usage s'en est encore prolongé assez longtemps.
En voici deux exemples, assez peu ordinaires, empruntés à des sceaux de la fin du XIIIe s.
- Les comtes de Werdenberg portaient de gueules, au gonfanon d'argent ; sur le sceau du comte Hugo, en 1267, le corps du gonfanon est chargé de 3 fleurs de lys rangées, et les pendants sont frettés.
- L'écu des von Schaumberg (Franconie) est coupé, le chef parti d'argent et de gueules, la pointe d'azur ; au sceau d'Evrard, en 1300, l'argent est chargé d'une étoile à huit rais, le gueules de 5 roses en sautoir, l'azur de 3 fleurs de lys, 2 et 1.
On est ici bien loin des simples arabesques.
En France, le diapré a toujours été rare ; sur plus de 30000 sceaux dont la description nous a passé entre les mains, nous n'en pourrions trouver 25 exemples. Il n'affecte presque jamais que la bande ou la fasce et le fascé, une seule fois le canton, 4 ou 5 fois le champ.
Nous citerons comme exemples les sceaux suivants.
- Jean III de Coucy (Fascé de vair, et de gueules diapré de…) en 1260.
- d'Amanjeu d'Albret (De gueules plein, diapré de rinceaux de…) en 1368, 1370 et 1373.
- de René Pot, chambellan du roi (D'or à la fasce d'azur diaprée de… brisé d'une bordure probablement de gueules) en 1392.
- La bande qui charge l'écu de Guillaume, sire de Bellingues, en 1383, est diaprée de lionceaux et d'aiglettes.
Le diapré semble être si peu dans nos mœurs héraldiques (on nous permettra cette expression) que lorsqu'il s'est une fois rencontré dans l'écu d'une famille, il tend souvent à s'y perpétuer comme un meuble ordinaire.
- Le sceau de Raoul Taisson, en 1205, porte un écu fascé d'azur diapré d'or, et d'hermine ; ce diapré se rencontre encore sur l'écu d'un autre Raoul, en 1297, et de Robert, en 1378 ; Berry (Armorial, n°608. Il donne toutefois fascé d’hermine et de sable diapré de sinople), suivi par tous les armoriaux modernes, le maintient à la famille.
- Une remarque analogue peut être faite pour les armes des Clères, également originaires de Normandie, qui portent d'argent à la fasce d'azur, diaprée d'or ; ainsi figurées dans Berry et la plupart des auteurs modernes, on les trouve également sur les sceaux de Philippe et de Georges, respectivement sires de Cléres en 1324 et 1351.
- Les armes primitives des d'Ailly en Picardie, étaient de gueules, au chef échiqueté d'azur
et d'argent ; dans le courant du XVe s, un membre de cette famille diapra le champ de gueules : ce diapré se transforma immédiatement en 2 branches d'alisier d'argent ou de pourpre, passées en double sautoir, qui firent dès lors partie intégrante de l’écu.
- Les potences qui ornent les double cotices de Champagne, n'ont peut-être d'autre origine qu'un diapré chargeant des cotices simples.
Il ne faut pas confondre avec le diapré les hachures croisées qui chargent assez souvent soit le champ même de l'écu, soit les pièces, dans les armoiries gravées sur les sceaux ; ces traits n'ont d'autre but, en l'absence de couleurs, que de faire ressortir un peu plus le dessin (…) ».