[FRANCE] CORBIE ( Somme)

Rappel du premier message :

L'hôtel de ville de Corbie, dans le département de la Somme, a été récemment restauré et mis en valeur par la création d'un parvis et le déplacement du monument aux morts. C'est un château en style troubadour XIXème siècle, qui est orné d'un certain nombre d'écus.
Voici les armoiries municipales, d'azur à deux clefs d'argent croisées en sautoir, au chef cousu de France moderne. Les deux villes sont d'ailleurs jumelées.
L'abbaye de Corbie, puissante et rayonnante au Moyen-Age, portait d'or à deux clefs de gueules croisées, ou, selon les époques, d'or à une crosse en pal  accostée de deux clefs de gueules, et un corbeau de sable en pointe. Elle est à l'origine de la création de la prestigieuse abbaye-fille de Corvey, à Höxter en Allemagne.  Les deux villes sont d'ailleurs jumelées.

Les armoiries qui ornent ce monument :


Abbaye royale : armes de France en fond, surmontées d'une couronne.  Comtes de Corbie : couronne comtale (mon ouvrage de référence indique qu'il a parfois été fait usage d'une couronne ducale, mais ici elle est bien comtale,  ça nous fait ici deux couronnes superposées.
Le même ouvrage indique qu'une crosse avec la volute tournée vers l'intérieur s'appliquerait à une abbaye non exemptée, et une crosse avec un volute tournée vers l'extérieur à une abbaye exemptée (= relevant du pape),
expliquant que les évêques et les abbés exemptés portent leurs crosses tournées volute vers l'avant dans les cérémonies et processions, et les abbés réguliers non exemptés portent la crosse tournée vers eux, mais précise que ce cérémonial a parfois été contesté et que les artistes n'ont pas toujours eu conscience de ces subtilités (Corbie Abbaye Royale, Volume du XIIIème centenaire, page 417). Seules trois abbayes, chez les bénédictins, ont bénéficié d'une telle exemption de la juridiction de l'Ordinaire du lieu (= de l'évêque) : Saint Denys, St Germain des Prés, Corbie.

Le cimier fort riche sus-commenté :

Bonsoir,

Le corbeau serait-il repris pour Corbie ?

Dauzat et Rostaing (Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France), donnent :

Corbie, canton de la Somme (Corbeia, 657-661) : d'après Vincent, l'ancien nom de la rivière Ancre, qui passe à Corbie (Corbeia, vers 986); il semble plutôt que le Corbeia de 986 soit tiré du nom de la ville, qui paraît  représenter un dérivé gaulois en -edia du nom d'homme Corbus, gaulois ou latin. (surnom : "le corbeau")

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Les étymologies de Dauzat et Rostaing, presque systématiquement rattachées à des noms d'hommes, passent souvent pour hypothèses douteuses, entre autres, par les spécialistes celtisants.

JC Even  

Je lis dans la note 2 du chapitre II par Dom Patrice Cousin, moine de l'abbaye de La Pierre Qui Vire :
"C'est Gérard de Corbie, le futur fondateur de la Grande-Sauve (Bordelais) qui nous l'apprend dans Miracula sancti Adhalardi Prologus (XIe s.)"Corbeia fluviolus vocabulum loco tribuit"(cf.Mabillon....). A la fin du XIIème siècle, le nom n'était pas changé. C'est vers 1250 que la Corbie s'appela Ancre, lorsque Hugues de Chastellux, comte de Saint Pol, fit hommage au roi pour sa seigneurie d'Ancre qui avait relevé jusque là du comté de Corbie. En 1576le village de Ville s'appelait encore Ville-sur-Corbie."
Dans le texte même, ce moine indique: "Située sur la rive droite de la Somme, elle avait reçu le nom d'un modeste cours d'eau qui débouche en aval dans la rivière : Corbie."
Toujours est-il que l'abbaye a eu pour emblème un corbeau, le comté au choix une tête d elion ou trois corbeaux, et les moines de Corbie ont fondé l'abbaye de Corvey, importante dans l'histoire allemande, à Höxter. La ville d'Albert se trouve dans la vallée d'Ancre, laquelle, c'est une curiosité, passe sous la basilique Notre-Dame de Brebières. La ville d'Encre ou Ancre fut le siège du marquisat d'Ancre, dont le favori de la reine Catherine de Médicis (j'avoue que j'ai parfois tendance à inverser Catherine de Médicis et Marie de Médicis...) Concino Concini fut titulaire et nommé maréchal d'Ancre sans jamais avoir commandé d'armée...Il fut éliminé par le connétable Charles d'Albert de Luynes, ce qui permit à Louis XIII de devenir vraiment roi. Charles d'Albert de Luynes obtint du roi des lettres patentes lui permettant de changer le nom de la ville d'Ancre en celui d'Albert, j'habite à Albert, ville dont voici un aperçu d'histoire. Cette ville a surtout connu de nombreuses destructions, notamment en 1914/1918 avec la bataille de la Somme en 1916/1918, ce qui lui a valu d'être reconstruite entre les deux guerres en style "Art Déco". Quant à Corbie, siège d'une importante abbaye bénédictine célèbre pour son scriptorium et son rôle dans la définition d'un type d'écriture, la caroline, au grand rayonnement, elle a aussi connu des sièges, notamment en 1636, reprise par Richelieu aux Espagnols, et un déclin après la Révolution. Elle n'est plus une capitale intellectuelle. Une association des Amis du Vieux Corbie a monté un petit musée sympathique. Les principaux monuments de Corbie sont l'hôtel de ville et l'église abbatiale Saint-Pierre, illustrés sur mon post.
Entre le corbeau, la (rivière) Corbie et la ville de Corbie, on ne sait plus qui régit l'histoire toponymique....qui semble interactive.    

Sur cette estrade, et aussi en face, sont disposés des prie-Dieu diversement sculptés:

Fleur de lys sur un des montants d'un prie-Dieu.

Ces reliques m'avaient fort impressionné quand je les avais vues, il y a bien longtemps !!!

Rollo a écrit:Ces reliques m'avaient fort impressionné quand je les avais vues, il y a bien longtemps !!!

Je vous ai donc rappelé des souvenirs.  C'est parfois un des bienfaits de ce forum.

Oui, et j'en suis ravi !
Corbie pour moi, c'est également sainte Colette qui a fondé les Clarisses du Puy en Velay, auxquelles je suis très attaché.

Eh bien, j'ai l'occasion de vous faire plaisir avec ce moule de la statue de sainte Colette qui trône en bronze à une sortie de Corbie. Ce moule Est dans l'entrée de l'église, vous repérez en arrière-plan l'un des médaillons aux armes de Corbie.


Et voici une clarisse qui nous accueille au musée de Corbie :


J'observe que, sur la statue, le scapulaire est porté flottant par dessus la cordelière à trois noeuds symbolisant les trois voeux monastiques, tandis que sur le mannequin on a fait passer cette cordelière par dessus le scapulaire (lequel, extrapolé d'une forme de tablier médiéval protégeant devant et derrière, symbolise le travail manuel de la devise "Ora et Labora" qui inspire et résume la règle de Saint Benoît et ses avatars successifs). Erreur d'un côté ou de l'autre, ou changement d'habitude vestimentaire ? Il n'y a guère que les cisterciens (dont les trappistes) qui portent une ceinture par dessus leur scapulaire, ce qui est d'ailleurs beaucoup plus pratique, de par mon expérience en reconstitution médiévale et mes rencontres de hasard avec des moines, moniales et religieux (religieuses)de divers ordres, surtout quand ceux-ci sont exposés aux vents et courants d'air près de la cathédrale d'Amiens ou celle de Laon qui font voltiger cette pièce d'habillement......

Sauf l'exception des trappistes, le cordon ou la ceinture se porte sous le scapulaire.

Et merci pour la vue de la statue.

Voici une vue générale de la chaire :

Différentes armes sculptées sur la chaire :

Et pour finir, on voit des armoiries même sur les grilles d'un confessionnal :

Les deux écus concernant Corbie, provenant de l'Armorial Le Blancq (f°147r), 1560 :
«Les armes de la Conté de Corbie sont dor a deux Corbeaux de sable»

«Le Conte et Abbé de Corbie porte escartellé. Le premier dor a deux clefs de geulles addossees, a une croche de sable au millieu, a ung merle du mesme au pied de la croche. L'autre dargent a une teste de lyon arachiée de synople.»

Le Blancq s'est probablement trompé, l'oiseau du deuxième blason a toujours été considéré comme un corbeau. Ce sont les deux thèmes connus pour le comté : des corbeaux (premier blason) et la tête de lion arrachée de sinople, ici écartelée (deuxième blason) avec les armes de l'abbaye, encore distinctes corbeau, crosse et clef). Avec ces trois thèmes pour Corbie, il y a largement de quoi tomber sur un bec....

Crosses illustrées dans Histoire Universelle du Costume :

Levyryl a écrit:Le Blancq s'est probablement trompé, l'oiseau du deuxième blason a toujours été considéré comme un corbeau.

C'est sûr qu'il s'est trompé
Pour la petite histoire, Le Blancq est juste le nom du dernier propriétaire.
Sinon, l'armorial a manifestement été réalisé par deux personnes : un rédacteur picard (tous les "ss" sont remplacés par des "ch") et un illustrateur qui ignorait comment dessiner certaines figures (il y a quelques figures vraiment cocasses...)

Ouf, je n'ai "pas porté atteinte à l'honneur et à la considération" de M.Leblancq ! La prochaine, je viserai "l'armorialiste". J'aurai au moins enrichi la langue française d'un néologisme.

Levyryl a écrit:Ouf, je n'ai "pas porté atteinte à l'honneur et à la considération" de M.Leblancq ! La prochaine, je viserai "l'armorialiste". J'aurai au moins enrichi la langue française d'un néologisme.

"Armorialiste" m'a rappelé qu'il existait un terme autrefois, "armoriste"  
Furetiere (1690) le définissait ainsi :
«Armoriste. subst. masc. qui se dit de ceux qui ont écrit du Blason, qui possèdent cette science, ou qui l’enseignent. On les appelloit autrefois Blasonneurs.»

J'ignorais ce terme, mais je suis prêt à l'utiliser. Toutefois il n'exclut pas mon néologisme : armoriste est un terme généraliste, armorialiste étant restreint à celui qui rédige ou peint un armorial. L'armorialiste étant ainsi un armoriste, mais tout armoriste n'étant pas armorialiste....
Mais on se complique la vie : je crois que le terme armoriste est plus facile à placer dans nos propos.