La Criante a écrit:
Et donc, ce texte de 1288 fait un lien entre les armes décrites sous forme de poème et ce Hugues ?
Dans l'affirmative, vous aurez relevé qu'il s'est écoulé un siècle entre la période où a vécu ce personnage et cet écrit.
Oui, bien sûr ; et cet écart, à cette époque, a son importance. Aujourd’hui, nous disposons, grâce à la numérisation de plusieurs siècles de documents, d’une « mémoire » inédite inaccessible lors des siècles passés. Ce n’est pas le cas de Jakèmes alors que l’écrit est chose rare. Je crois même que nous disposons aujourd'hui d'une richesse documentaire inégalée et bien supérieure à celle que nos anciens pouvaient espérer.
La Criante a écrit: "Où voulez-vous en venir ?" allez-vous me dire ... Et bien à la remarque faite au sujet de la brisure : il n'est pas impossible que les coquilles aient été ajoutées au cours de ce siècle (brisure ou modification d'armes) et que ce détail ait échappé à ce Jakèmes.
Il faut se rappeler que le tournoi et sa description ne sont pas l’objet du poème. Les lignes traitant de ce passage ne sont que quelques 600 sur un total de 8260.
De plus, ce sont des vers plats (AABB) qui servent mal la littérature héraldique et la rigueur du blasonnement. Je suppose – et vous allez me le dire – qu’en 1288 les règles ne sont pas encore ni figées ni définitives.
Aussi, je pense qu’au moment de la rédaction, Jakèmes, poète et non héraut, cherche plus à traiter l’histoire de ce ménage à trois (Sgr. de Fayel, sa Dame et le châtelain de Coucy) sous l’angle du «
cœur mangé » et du roman courtois que sous celui de l’expert en héraldique.
Pour décrire les personnages, il a sous les yeux, je suppose, les blasons de son époque et non pas ceux de 1187.
Et en cent ans, ils ont évolué et acceptés des brisures, voir des changement plus importants.
Le cas de Huon de Florennes, avec ses «
quoquilles d’argent », n’est pas le seul :
• Guy de Thourotte (nommé Renaud), châtelain de Coucy, arbore un écu sans lionceau. Celui-ci est considéré par Prinet(*) comme une brisure postérieure au tournoi.
• Geoffroy de Lusignan porte la couronne des rois de Chypre alors qu’ils ne le furent qu’en 1268.
• Jean de Hanguest porte lui aussi «
cinq cokillettes de fin or » alors qu’elles ne furent sur le blason que dans une branche puînée.
Et il y en a sans doute d’autres …
Mais, au-delà de ces incertitudes, mon propos était,
par jeu, d’illustrer les blasonnements contenus dans le poème, non d’en estimer la validité.
Mais, même par jeu, on peut essayer de ne pas dire des bêtises !
Bien cordialement
Dominique Notteghem
• Prinet : Léon-Jacques-Maxime (dit Max) Prinet (°1867-†1938), était Directeur d’Études à l’École Pratique des Hautes-Études, et fondateur de l’héraldique scientifique française.